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L E M O M E N T V O U L U — C'est chaque fois pareil : quand on lit les programmes de sa ville, que ce soit au rayon Hip Hop, dans les squats Electronisés, ou sur les scènes Rock (et là, nous parlons bien de scène, comme au théâtre, et non pas de piste de danse, avec des intervenants planqués derrière leurs platines), on se retrouve dépaysés comme jamais, téléportés Dieu sait où ... Etrangers, presque. DERACINÉS, comme le Dalaï Lama dans sa Bourgogne d'adoption ... Mais
à faire "comme si" ... Comme
si on était anglais, comme si
on était connus ...
Et, si l'on se penche rétrospectivement, sur internet, on a plus souvent l'impression de survoler un mouvement qui aurait explosé dans les faubourgs de Detroit, que dans la Banlieue (Nord) d'Amiens , dans le vieux Lyon , dans les ports ou près des marais de Bretagne , ou que même que sur des dance-floors parisiens ... De la même façon : le monde entier connaît mieux le reggae, que les jamaïquains eux-même, depuis ces 15 dernières années !
En
France on fait plus fort encore : tout le circuit est sous perfusion
anglo-saxonne (depuis les pubs TV, jusqu'aux fêtes de
quartier, en passant par la presse et ses révélations
parachutées). On se dégrade tout seul. On se dévalue,
bien au delà de l'humilité, qui pousse à
devenir terre d'accueil des "poètes maudits"
incompris chez eux, comme Willy Deville ou Calvin
Russell ...
Par ailleurs on sait que si l'emergence de talents francophones semble en raréfaction (on cherche toujours et encore les "génies", ces arbres synthétiques qui cachent la forêt ...) c'est en grande partie du fait de l'industrie du disque qui s'évertue à torpiller les élans non contractuels ...
—FLASH-BACK—
L'attitude Rock'n'Roll est avant tout une résistance dans l'authenticité, l'expression primant sur la forme. Il s'agit de "s'auteuriser", vaille que vaille ; de se définir ses propres codes de valeur, et de s'y tenir !
(Tandis
que ce sont surtout Cream & Led Zeppelin,
et les plus jeunes du British Blues Boom,
qui ont fait monter la surenchère électrique
: avec ACDC on était encore dans le bluesy ;
Deep Purple et Lynird Skybird (du bassiste
Steve Mariott) ont ouvert la voie, sans avoir eu besoin
de partir de Détroit ...) Mais ils l'ont bien compris, les parias de la ville de l'acier, qu'il fallait se serrer les coudes ; comme le firent les pionniers du Blues ! Tout comme s'obstine à le faire la frange puriste de l'hexagone (avec P. Verbeke, Benoit Blue Boy and Co).
Il
y a bien eu un Underground à Detroit, mais les musiciens
depuis le début ont su "faire prendre la mayonnaise"
auprès des médias, on n'omettant jamais de se
citer les uns les autres , et en calquant sur le "story-telling"
pour show-biz, le sentiment fédérateur de la
rébellion politique (cf. John Sinclair qui aurait
bien aimé qu'on le laisse incognito plutôt que
de le mettre en prison, avec, pour ses alliés, le même
lynchage médiatique que les Black Panthers). Ensuite
les bricoleurs d'ordinateurs, black pour la plupart (donc
conscients d'un pseudo-"handicap" pour leur reconnaissance
aux USA), tout comme les bluesmen de Chicago, ne firent
que transposer ce procédé de solidarité
historique, harmonieuse. (Occurrence, malencontreusement,
non décelable en Belgique ou aux alentours.) « Se prêter, pour le mouiller, le maillot d'aise ... » F.G.
Car ce qui est évident pour les journalistes et les experts, le devient pour tout le monde. Et la force, insubmersible, vient de ne pas faire "comme si", mais de le faire en connaissance de cause ! De bien savoir d'où l'on vient, et pourquoi on le désire comme ça, ce mat issu du Pays de Cocagne. Se figurer des racines, voire même se greffer sur un rhizome aux multiples épanouissements, plutôt que de jouer la carte du solitaire en "tour d'ivoire", avec ce qu'il se doit d'esprit compétitif, façon "culture entrepreneuriale", qui, si elle n'échoue pas systématiquement, en tout cas est bien connue pour ne pas laisser de traces ! (Ce qui arrange bien les subventionneurs, qui sont le plus souvent incapables de justifier leurs choix en termes honnêtement subjectifs, et d'assumer leur favoritisme qui n'est pas foncièrement "militant". (Comme le fut exceptionnellement le Rock Alternatif des années 80, mobilisant un nombre incroyable de personnes ... avec leurs parents, et leurs enfants ! Les Garçons Bouchers et leurs frangins arrivèrent même à se trouver en situation que l'un d'eux puisse poser ses pompes sur un bureau, au Ministère de la Culture ... Sans grands résultats, bien entendu.) ... Le système
est ainsi fait, qu'il trahit un certain "j'm'en foutisme"
dans le suivi de certaines professions : les pêcheurs, comme
les résidents de la Villa Medicis, par exemple (surtout
lorsqu'ils sont résidents ailleurs à l'étranger,
bien que boursiers), sont passablement livrés à
eux-même !
...
"C'est comme ça !"
(comme le chantait les Rita Mitsouko) Mais, avant d'en arriver là, bien sûr qu'il y a eu une effervescence, remarquable il y a 30 ans dans l'hexagone. Starshooter, Tequila, Lilly Drop, Ganafoul, Factory, Lievaux Transfo, Bill Deraime, P. Coutin etc. jusqu'à Stocks, et j'en oublie, ont même connu l'expérience d'un ou de plusieurs tubes. Un rayonnement national, partagé avec une poignée d'esthètes nettement moins connus mais tout aussi efficients en leur temps. Et puis, un peu à part, les monuments que furent Au Bonheur Des Dames, Odeurs ... Efficaces
pour porter le flambeau d'une attitude rock, quand les médias,
qui pouvaient encore faire la pluie et le beau temps, voyaient les
choses autrement ...
En France, les passeurs d'outre-atlantique furent dès les 50's Boris Vian, avec Harry Cording (H.Salvador), et le jeune Michel Legrand. Ils pensaient alimenter ainsi les gags d'une saison. (Vian, expert professionnel, et trompettiste de jazz ne croyait pas en Louis Jordan - N.B. le véritable "inventeur du Rock 'n' Roll", mais qui pensait simplement jouer du jazz boosté - juste devant Carl Perkins (folkeur un peu trop "bouseux" pour le show-biz qui s'empressa d'instituer Elvis, avant que Chuck Berry ne casse complètement la baraque tout seul ... (“ un black, tout de même, vous n'y pensez pas ! Pourquoi pas Louis Prima, pendant qu'on y est ?! ” se disaient les disc-jockeys.) De la même façon, des émergences comme celles de Venice, Frandol, ou Daran ont tenu le manche quand, dans le cockpit, la Cold Wave a commencé à s'endormir (sur ses lauriers ...) . Soyons grès à ceux-là qui ont permis que l'electro-choc opéré par Higelin, vers 1975, n'ait pas servi à rien ... Ni le formidable boulot d'émulation de Pagliaro au Quebec. Sinon on n'aurait peut-être jamais eu au XXIe siècle, la verve, comme celle d'une certaine Mlle K, ou comme - qui vous savez ... ;-) Le propre d'une "New-Wave" estampillée, d'une Nouvelle Vague scénarisée, c'est de balayé le ressac précédent, c'est bien connu ... (Surtout si l'on se place dans l'optique mercantile, avouée lors de "la grande escroquerie du R'n'R" (cf. Malcom Mac Larren 's swindle, avec sa complice Vivian Westwood). En France, comme d'habitude, on s'est cru obligés d'intellectualiser ça (ici, depuis 68, l'hédonisme se donne des airs de St Germain-des-Près ... D'ailleurs, ça me fait toujours sourire, de penser que si des potes copient les Rolling Stones dans leur manières, ceux-ci à l'époque s'inspiraient de ce quartier branché de Paris (les cols roulés, sombres, la mèche sauvage, sur le front etc. Si Paul Weller fume des Gauloises, c'est un peu par "élitisme" aussi, sûrement ... Je ne dirais pas "snobisme", parce que cela signifie initialement "sans noblesse" et que ce n'est pas le cas ... Façon de parler : Keith a la noblesse des corsaires, quelque part.)
Les flux créatifs, qui débordent les digues, vont et viennent, comme des courants marins affolés par la fonte de la banquise, mais chacun se plaît à canaliser sur sa boussole, pour avoir l'air d'y comprendre quelque chose ... Et surtout pour y puiser une inspiration qui satisfasse son propre besoin d'expression. (Ainsi, des rock-critics comme Patrick Eudeline sont sincèrement convaincus, autour de l'an 2000, d'être "punks". Dantec aussi. Certains d'entre nous sont même convaincus que Clash était un groupe punk ; et Police aussi ...) A l'évidence, les modes ne valent que si on les précède, ou que si on les métamorphose ... Sans quoi, cela n'intéresse que les touristes ... Dutronc et son "Merde in France" ne pourrait pas dire le contraire ! On peut se demander, si la musique en question a du mal à fédérer (comme l'a si bien fait le reggae) ; à imposer ses convictions, comme la laïcité en pays pluri-confessionnels ; si elle a mis si longtemps à catalyser les espérances d'amélioration de la qualité de vie (ce qui est tout de même son usage premier, à la musique !) si ce n'est pas à cause de l'éparpillement des protagonistes. Mais au fond il s'agit surtout de timidité : les artistes sont immergés dans une aventure qui laisse peu de place à la contemplation de leurs pairs ... (C'est la même timidité, la même humilité envers le public, qui pousse parfois à utiliser une autre langue, certainement ...) Et puis, avant que les M.C. ne rafflent les contrats, et que les machines dispensent (pour un temps) de l'apprentissage de la musique (qui est sans fin - d'ailleurs, tout aussi accaparent que l'apprentissage des logiciels, finalement ... Alors, quand on combine les deux, je ne vous dis pas ! :-/ ), les zicos n'avaient pas beaucoup de temps à eux ...
Dans chaque ville, digne de ce nom, et même jusque dans nos campagnes, tous ont eu l'obstination de pratiquer l'exercice de cette nage à contre-courant. (Par définition : il n'y a qu'à Cuba que les musiciens sont mensualisés ! Ou, ailleurs, au sortir des Conservatoires, qui, comme leur nom l'indique, ne sont pas des soucoupes volantes exploratrices ...)
L'élan
spontané, la fougue incompressible, le courage (osons le dire)
de ne pas capituler, hors fanfares (des volontaires, avec tambours
et trompettes), malgré l'arrivée du synthé, du
karaoké, de la "techno municipale", du rap autocloné,
et tutti quanti, là comme ailleurs, sans le condiment N°1
: l'enthousiasme. “ Are
you experienced ? ” Toujours dispo, bien dans leurs
pompes, pour domestiquer l'impalpable, pour élaborer l'indicible,
et cela bien après le tricéphale mutant "yéyé"
(Johnny / Eddy / Dick), figures emblématiques de
l'idiome blues-rock. Dans les
années 70, ce soubresaut a eu lieu en pleine dilution "variété",
pop sucrée/amer (Balavoine etc.) ... Même si, initialement, le groupe Ange avait déjà enfoncé le clou avec brio, avant tout le monde, chez nous, ; on a connu les affres du doute. Au final, une mutation dans la musique hexagonale, francophile, electrique, autonome, que Bijou fut le 1er, (d'une tête), à officialiser pour un usage "d'intérêt public" à grande échelle, avec l'aide de Gainsbourg. (Une connivence artistique prétexte, dans une synergie pour le look, pour le fun, et pour une visibilité "gagnant/gagnant" : l'un étant parti trop tôt, etait un peu essouflé, et les autres n'avait pas encore un accès véritable au "grand public") ... Mais c'est une autre histoire (Téléphone, Trust, Little Bob, Kent, etc ... Et, rappelons le, Aux bonheur Des Dames ! (qui sont les chantres certifiés, avec leur manifeste patenté "Ego-Dame" * ... au sujet de "Touteuh la musique que j'aime") et puis Ramon's Pipin 's Odeurs, bien sûr.
Pr
Fox (“ érudit rock ”) - 2008 |
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